Chronique pénale du prélèvement d’ADN et du fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG)

Le 29 octobre 2021, le gouvernement français a publié un décret modifiant le code de procédure pénale et les dispositions relatives au fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG). Cette modification vise notamment à tirer les conséquences des décisions du Conseil constitutionnel et de la Cour européenne des droits de l’Homme qui exigeaient un encadrement plus strict du mécanisme de prises d’empreintes génétiques et de conservation de ces données.

Ce nouveau texte met-il pour autant un terme aux critiques présentant ce dispositif comme sérieusement attentatoire aux libertés fondamentales ? L’infraction pénale du refus de se soumettre au prélèvement ADN en toute circonstance est-elle désormais pleinement justifiée ? C’est ce qu’il convient de vérifier en examinant le contenu de ce décret à la lumière de la jurisprudence récente sur le sujet.

I – Le dispositif antérieur au décret du 29 octobre 2021 modifiant la procédure du FNAEG

A – La liste sans cesse plus longue des infractions pour lesquelles un prélèvement d’empreintes génétiques peut être demandé

A la suite de l’affaire Guy Georges, tueur en série et violeur actif pendant les années 1990 en France, le FNAEG est créé par la loi n°98-468 du 17 juin 1998 relative à la prévention et à la répression des infractions de nature sexuelle ainsi qu’à la protection des mineurs.

Le FNAEG avait pour objectif de centraliser les traces et empreintes génétiques des personnes condamnées pour des crimes et délits de nature sexuelle les plus graves ainsi que certaines atteintes aux mineurs. Ce fichier devait faciliter l’identification des auteurs en cas de réitérations.

Les infractions pour lesquelles un prélèvement ADN pouvait être requis étaient listées à l’article 706-55 du code de procédure pénale. Cette liste s’est depuis considérablement allongée au fil des lois de circonstances sécuritaires et comporte désormais de nombreuses infractions (liste non-exhaustive) :

  • Infractions sexuelles (viol, agression sexuelles, corruption de mineur)
  • Atteintes aux personnes (crimes contre l’humanité, homicide volontaire, violences avec ITT)
  • Stupéfiants (trafic de stupéfiants, blanchiment de stupéfiants)
  • Atteintes aux biens (vol, extorsion, escroquerie, destruction ou détérioration grave, recel)
  • Atteintes à la nation, l’État et la paix public (terrorisme, association de malfaiteurs)
  • Armes (fabrication, diffusion, transport)

Cet allongement a entraîné un recours accru au prélèvement ADN dans de nombreuses procédures au point de se demander si l’objectif initial de ce fichier n’avait pas laissé sa place à une logique de fichage systématique et généralisée de la population.

En effet, en application de l’article 706-54 du code de procédure pénale, il est possible pour l’autorité de poursuite de prélever les « empreintes génétiques des personnes à l’encontre desquelles il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu’elles aient commis » l’une des infractions précitées.

Le recours au prélèvement ADN est d’autant plus aisé que la personne mise en cause qui refuse de s’y soumettre commet un délit qui peut être poursuivi indépendamment des raisons pour lesquelles il est entendu par les services de police.

Selon l’article 706-56 du code de procédure pénale, le refus de se soumettre à un prélèvement ADN dans les cas précités est puni « d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende ».

En 2020, près de 5 millions d’individus figuraient au FNAEG, soit plus de 7% de la population française, et 9,5% des plus de 20 ans. À quoi il convient de rajouter 724 797 « traces stockées » prélevées sur des scènes d’infraction ainsi que des cadavres d’inconnus, et qui n’avaient pas encore été reliées à une identité[1].

En 2018, face à un énième projet de loi visant à étendre encore l’application du FNAEG, l’Observatoire des libertés et du numérique regroupant notamment le Syndicat des Avocats de France, le Syndicat de la Magistrature, la Ligue des Droits de l’Homme et la Quadrature du Net, dénonçaient un « dangereux véhicule législatif, roulant à contre-sens vers un fichage généralisé ».

Cette inscription au FNAEG est d’autant plus pernicieuse que les données y sont conservées pour une longue durée et qu’il n’est pas si simple d’en demander l’effacement.

B – Les critiques quant à la durée de conservation et les modalités d’effacement des données inscrites au FNAEG

Avant le décret du 29 octobre 2021, les empreintes génétiques contenues dans le FNAEG étaient conservées pendant :

  • 40 ans pour les personnes définitivement condamnées, les personnes décédées, les personnes disparues, les personnes ayant bénéficié d’une irresponsabilité pénale pour trouble mentale ;
  • 25 ans pour les personnes simplement mises en cause ;
  • 25 ans pour les ascendants ou descendant de personnes disparues.

Les dispositions réglementaires relatives à cette durée de conservation ne faisaient aucune distinction selon la nature et la gravité de l’infraction reprochée à la personne condamnée ou à la personne mise en cause.

La personne mise en cause pouvait toutefois en demander l’effacement anticipé si ses empreintes avaient été enregistrées dans le cadre d’une enquête judicaire et qu’aucune poursuite n’avait été menée contre elle ou qu’aucune condamnation n’avait été prononcée.

La demande d’effacement devait être adressée au procureur de la République par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par déclaration au greffe. Le procureur avait alors trois mois pour répondre. En l’absence de réponse ou en cas de refus d’effacement, la personne intéressée pouvait saisir le juge des libertés et de la détention qui devait statuer dans un délai de deux mois. L’absence de réponse du JLD ou le refus d’effacement pouvait à son tour faire l’objet d’un recours devant le président de la chambre de l’instruction.

Les durées de conservation et les modalités d’effacement ont été précisées au fil des modifications législatives pour répondre notamment à certaines critiques notamment de la Cour européenne des droits de l’Homme. Nous verrons néanmoins que ces modifications se sont toujours révélées insuffisantes au point que le juge judiciaire a décidé d’intervenir pour encadrer lui-même cette pratique en limitant la possibilité de poursuivre les personnes qui refuseraient de s’y soumettre.

II – L’encadrement jurisprudentiel du prélèvement d’empreintes génétiques

A – Les limites du prélèvement d’empreintes génétiques et de la conservation au FNAEG exposées par le Conseil constitutionnel et la Cour européenne des droits de l’Homme

La procédure du prélèvement ADN et de conservation au FNAEG a fait l’objet d’aménagements successifs pour satisfaire aux exigences constitutionnelles et conventionnelles en matière de protection des libertés fondamentales et notamment du droit à la vie privée.

Par une décision du 16 septembre 2010, le Conseil constitutionnel a déclaré les dispositions relatives au fichier FNAEG conformes à la Constitution, sous réserve entre autres « de proportionner la durée de conservation de ces données personnelles, compte tenu de l’objet du fichier, à la nature ou à la gravité des infractions concernées ».

Par un arrêt Aycaguer c. France en date du 22 juin 2017[2], la Cour européenne des droits de l’Homme a condamné la France pour violation de l’article 8 de la CEDH s’agissant de la conservation des profils ADN en ce qu’elle n’offrait pas « en raison tant de sa durée que de l’absence de possibilité d’effacement, une protection suffisante » quant au respect du droit à la vie privée dans une société démocratique.

Cette condamnation a conduit la France à modifier les dispositions relatives au FNAEG par un décret du 2 décembre 2015 pour limiter la durée de conservation des données inscrites au fichier à 25 ans et prévoir leur effacement en cas de non-lieu, de relaxe ou d’acquittement.

Toutefois, la France n’a pas tiré toutes les conséquences de l’arrêt Aycaguer. La Cour européenne des droits de l’Homme précisait que la réserve du Conseil constitutionnel précitée n’avait pas reçu de suite appropriée :

« Ainsi, la Cour relève qu’aucune différenciation n’est actuellement prévue en fonction de la nature et de la gravité de l’infraction commise, et ce nonobstant l’importante disparité des situations susceptibles de se présenter dans le champ d’application de l’article 706-55 du CPP. La situation du requérant en atteste, avec des agissements qui s’inscrivaient dans un contexte politique et syndical, concernant de simples coups de parapluie donnés en direction de gendarmes qui n’ont pas même été identifiés, par comparaison avec la gravité des faits susceptibles de relever des infractions particulièrement graves visées par l’article 706-55 du CPP, à l’instar notamment des infractions sexuelles, du terrorisme ou encore des crimes contre l’humanité ou de la traite des êtres humains pour ne citer que ces exemples. »

La nécessité de moduler la durée de conservation des données inscrites au FNAEG selon la gravité de l’infraction n’était toujours pas prévue en droit français malgré l’apport du décret du 2 décembre 2015.

Face à ces irrégularités persistantes, les juges judiciaires, et au premier chef la Cour de cassation, ont décidé de développer une jurisprudence pour encadrer le prélèvement d’empreintes génétiques en limitant la possibilité d’incriminer des personnes qui refuseraient de s’y soumettre.

B – Le rôle du juge pour apprécier la proportionnalité de l’incrimination du refus de se soumettre au prélèvement d’empreintes génétiques

A défaut de dispositions législatives satisfaisantes quant à l’infraction du refus de se soumettre au prélèvement ADN, le juge judiciaire a pris l’habitude d’examiner la proportionnalité de l’usage d’une telle incrimination.

Le tribunal de grande instance de Grenoble a ainsi relaxé un prévenu par un jugement du 3 octobre 2017 au motif que l’infraction commise par ce dernier ne faisait pas partie des infractions les plus graves visées à l’article 706-55 du code de procédure pénale.

Selon le tribunal : « la mise ne place de fichiers tels que le FNAEG constitue une ingérence dans le droit au respect de la vie privée au sens de l’article 8 précité nécessaire à la répression et à la prévention de certaines infractions, notamment les plus graves ; que de tels dispositifs ne sauraient cependant être mis en œuvre dans une logique excessive de maximalisation des informations qui y sont placées et de la durée de leur conservation ».

Dès lors, « en l’absence de durée maximale de conservation des données au sein du fichier FNAEG et de procédure d’effacement, les poursuites engagées à l’encontre de l’intéressé pour refus de se soumettre au prélèvement biologique constituent une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée […] »[3].

Pour sa part, la Cour de cassation a considéré dans deux arrêts du 15 janvier 2019[4] et du 28 octobre 2020[5] que ni le prélèvement ADN ni la sanction prévue en cas de refus « ne représentent une ingérence excessive dans le droit au respect de sa vie privée et familiale, reconnu à toute personne par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme » en raison de la possibilité pour la personne poursuivie de demander l’effacement de son empreinte génétique du fichier.

Toutefois, par deux arrêts du 22 septembre 2021 relatifs aux affaires des décrocheurs de portraits présidentiels[6], la Cour de cassation reconnait qu’il appartient au juge du fond d’exercer « un contrôle de proportionnalité » sur l’incrimination pénale du refus de se soumettre au prélèvement ADN.

La Cour de cassation a ainsi admis que lorsque « l’infraction a été commise dans un contexte non crapuleux mais dans celui d’une action politique et militante, entreprise dans un but d’intérêt général », il existe « une disproportion entre, d’une part la faible gravité objective et relative du délit dont les intéressés étaient soupçonnés au moment de leur refus de se soumettre au prélèvement litigieux et, d’autre part, l’atteinte au respect de la vie privée consécutive à l’enregistrement au FNAEG ».

La jurisprudence du juge judiciaire va même plus loin et n’hésite pas à relaxer des prévenus qui auraient refusé le prélèvement de leurs empreintes génétiques même lorsqu’ils ne trouvent pas dans une procédure qui concerne une action politique ou militante.

Ainsi, par un arrêt du 23 novembre 2021, la cour d’appel de Rennes a confirmé un jugement de première instance du tribunal correctionnel de Saint-Brieuc qui avait relaxé le prévenu du chef de refus de se soumettre au prélèvement ADN.

La cour d’appel indiquait qu’en l’espèce, « l’infraction principale reprochée au prévenu consiste en un simple vol à l’étalage et n’a finalement causé aucun préjudice à la société victime, les biens dérobés ayant été payés après l’interpellation du prévenu. Le prévenu ne comporte qu’une seule condamnation pour des faits de dégradations par inscription ou dessin ».

La cour d’appel a conclu que « l’atteinte qui serait portée à son droit au respect de la vie privée garanti par l’article 8 de la CEDH serait en conséquence disproportionnée au regard du but légitimement poursuivi de permettre l’identification des auteurs d’infractions graves ».

A défaut de reconnaître l’inconventionnalité persistante de l’enregistrement au FNAEG, cette jurisprudence du juge judiciaire est louable en ce qu’elle fixe cette obligation de contrôler la proportionnalité des poursuites pour refus de se soumettre à un prélèvement ADN et assure ainsi une forme de conciliation avec le droit à la vie privée.

La question se pose désormais de l’avenir de cette pratique jurisprudentielle au regard du nouveau décret du 29 octobre 2021.

III – Les apports et les limites du décret du 29 octobre 2021 modifiant la procédure du FNAEG

A – Une prise en compte imparfaite de la gravité de l’infraction dans la durée de conservation des données inscrites au FNAEG

Les dispositions relatives à la durée de conservation des données ont été modifiées de manière substantielle afin de prendre en compte la réserve d’interprétation du Conseil constitutionnel précitée.

L’article R. 53-14 du code de procédure pénale tel que modifié par le décret prévoit des durées de conservation spécifiques aux données relatives aux personnes mineures et la liste des infractions les plus graves qui entraînent une augmentation des durées de conservation.

La durée de conservation des empreintes génétiques au FNAEG se présente désormais comme suit :

PERSONNE CONCERNÉE DURÉE MAXIMALE DE CONSERVATION POUR UNE PERSONNE MAJEURE DURÉE MAXIMALE DE CONSERVATION POUR UNE PERSONNE MINEURE
Personne définitivement déclarée coupable ou ayant fait l’objet d’une décision d’irresponsabilité pénale De 25 à 40 ans selon la gravité des faits De 15 à 25 ans selon la gravité des faits
Personne mise en cause pour les infractions listées à l’article 706-55 du code de procédure pénale De 15 à 25 ans selon la gravité des faits De 10 à 15 ans selon la gravité des faits
Personne inconnue De 25 à 40 ans
Personne décédée non identifiée Jusqu’à l’identification de la personne décédée ou pendant 40 ans
Personne disparue Jusqu’à la découverte de la personne disparue ou pendant 40 ans
Ascendant ou descendant d’une personne disparue Jusqu’à la découverte de la personne disparue ou pendant 40 ans

Pour ce qui concerne les personnes suspectées d’avoir commis l’une des infractions listées à l’article 706-55 du code de procédure pénale, il existe désormais une distinction selon que l’infraction est considérée comme grave (durée de conservation de 25 ans) ou non (durée de conservation de 15 ans).

Le point 4° de l’article R.53-14 du code de procédure pénale établit la liste des infractions de l’article 706-55 du même code qui doivent être considérées comme graves et donc menant à une conservation au FNAEG de 25 ans.

En voici la liste exhaustive :

  • Infractions contre les personnes: crimes contre l’humanité, atteintes volontaires à la vie, tortures et actes de barbarie, crimes et délits de violences volontaires, viols, agressions sexuelles, trafic de stupéfiants, enlèvement et séquestration, détournement de tout moyen de transport, traite des êtres humains, proxénétisme, recours à la prostitution de mineurs ou de personnes vulnérables, mise en péril de mineurs
  • Infractions contre les biens: vol avec violences, crimes de vols, crimes d’extorsion, destruction, dégradation et détériorations dangereuses pour les personnes
  • Crimes et délits contre la nation, l’État et la paix publique : trahison et espionnage, attentat et complot, mouvement insurrectionnel, usurpation de commandement, levée de forces armées et provocation à s’armer illégalement, actes de terrorisme, fausse monnaie, participation à une association de malfaiteurs
  • Infractions au régime des armes et munitions

Cette nouvelle mouture appelle deux observations :

En premier lieu, même si le texte constitue déjà un progrès, la durée de conservation des données prélevées pour des personnes simplement mises en cause demeure extrêmement élevée que l’infraction suspectée soit grave ou non : entre 15 et 25 ans !

En second lieu, certaines infractions citées parmi les plus graves pourraient couvrir un spectre de faits à la gravité en réalité plus ou moins élevée. Il en va ainsi par exemple des délits de violence volontaire ou d’association de malfaiteurs qui ont trouvé à s’appliquer à des situations bien éloignées de notre imaginaire. Ainsi des personnes participant à des mouvements sociaux ou à des actions politiques ou de désobéissance civile étaient poursuivies sur l’un de ces fondements.

La gravité de l’infraction ne peut donc être évaluée de façon abstraite sans s’attacher au contexte ou aux circonstances de sa commission. La durée de conservation devrait également être bien plus variée et considérablement revue à la baisse pour les infractions les moins graves.

B – Le maintien de règles incertaines relatives à l’effacement des données enregistrées dans le FNAEG

Les modalités d’effacement des données enregistrées dans le FNAEG ont également connu une refonte et des précisions.

Le nouvel article R. 53-14-2 du code de procédure pénale indique que le procureur de la République est compétent pour « ordonner d’office ou à la demande de l’intéressé » l’effacement des empreintes ADN de ce dernier.

Lorsque la personne intéressée demande l’effacement, ce même article R. 53-14-2 du code de procédure pénale distingue désormais selon le résultat de la procédure :

RÉSULTAT DE LA PROCÉDURE POSSIBILITÉ D’EFFACEMENT ANTICIPÉ
Personne déclarée coupable ou ayant fait l’objet d’une décision d’irresponsabilité pénale Possibilité de demander l’effacement à l’issue d’un délai de :

–       3 ans quand la durée de conservation est de 15 ans

–       7 ans quand la durée de conservation est de 25 ans

–       10 ans quand la durée de conservation est de 40 ans

Le procureur apprécie l’opportunité de l’effacement des données ou de leur maintien dans le FNAEG en prenant en compte les raisons liées à la finalité du fichier, au regard de la nature ou des circonstances de commission de l’infraction ou de la personnalité de la personne concernée

Personne ayant bénéficié d’une décision de relaxe ou d’acquittement devenue définitive Effacement de plein droit sur demande de l’intéressé
Personne ayant bénéficié d’une décision de non-lieu ou d’un classement sans suite pour absence d’infraction, insuffisance de charges ou auteur inconnu Possibilité de demander l’effacement.

Le procureur peut en prescrire le maintien pour des raisons liées à la finalité du dossier

Dans un avis du 7 janvier 2021, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) a demandé au gouvernement de préciser ce qu’il entendait par « les raisons liées à la finalité du fichier ». [7] Le gouvernement a indiqué que ces raisons impliquaient « la résolution de l’affaire, l’identification de l‘auteur, ou encore la perte du caractère infractionnel du fait en cause ».

La CNIL a également émis une réserve s’agissant de la demande d’effacement de la personne ayant bénéficié d’une décision de relaxe ou d’acquittement devenue définitive. Bien que l’effacement soit de plein droit, la CNIL regrette que le décret ne prévoie pas un effacement d’office dans ce cas de figure sans que la personne n’ait besoin d’en faire la demande.

La CNIL relève enfin dans son avis du 7 janvier 2021 que rien dans le décret ne permet de demander l’effacement dans le cas des procédures ayant abouti à un classement sans suite pour d’autres motifs, « c’est-à-dire ceux qui, d’une manière générale, ne permettent pas d’écarter la responsabilité de la personne concernée dans la commission des faits ». La CNIL estime qu’ils « devraient pouvoir donner lieu à effacement dans les conditions « de droit commun » (…), c’est-à-dire lorsque la conservation des données n’apparaît plus nécessaire pour des raisons liées à la finalité du fichier ».

S’agissant de la procédure d’effacement, en application des articles R.53-14-2 et suivants du code de procédure pénale, « la demande d’effacement doit, à peine d’irrecevabilité, être adressée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par déclaration au greffe ».

Le procureur doit alors faire connaître sa décision à l’intéressé « par lettre recommandé, dans un délai de trois mois à compter de la réception de la demande ».

A défaut de réponse dans ce délai ou si le procureur n’ordonne pas l’effacement, « l’intéressé peut exercer un recours devant le président de la chambre de l’instruction dans un délai de dix jours par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par déclaration au greffe. A peine d’irrecevabilité, ce recours doit être motivé ».

Le président de la chambre de l’instruction statue « dans un délai de trois mois ». La décision « ne peut faire l’objet d’un pourvoi en cassation ».

On remarquera que l’étape intermédiaire de saisine du juge des libertés et de la détention a été supprimée. Désormais il n’y a qu’un seul recours possible contre les décisions du procureur, devant le président de la chambre de l’instruction. Cette solution de simplification pourrait nuire au justiciable d’autant plus que ce dernier ne doit pas commettre d’erreur et ne pas oublier de motiver son recours sous peine d’irrecevabilité.

Loin d’apparaître comme une garantie de protection des libertés fondamentales des personnes, ce nouveau décret conforte la politique de fichage de la population et rend difficile la possibilité pour une personne de demander l’effacement de son ADN du FNAEG une fois qu’elle a accepté de se soumettre à un prélèvement.

La question demeure de savoir si cette nouvelle règlementation sera satisfaisante aux yeux du juge européen et si le juge judiciaire national estimera opportun de maintenir ou non sa jurisprudence pour prévenir l’incrimination de personnes ayant refusé le prélèvement d’empreintes génétiques lorsque les poursuites apparaissent disproportionnées au regard du droit à la vie privée.

[1] Next Inpact, 27 septembre 2021, Plus d’un tiers des Français sont fichés dans le FNAEG

[2] CEDH, 22 juin 2017, Aycaguer c. France, requête n°8806/12

[3] TGI Grenoble, 3 octobre 2017, n° 2204/17/CJ

[4] Cass. crim., 15 janvier 2019, n°17-87.185

[5] Cass. crim., 28 octobre 2020, n°19-85.812

[6] Cass. crim., 22 septembre 2021, n°20-80.489 et n°20-85.434

[7] Délibération n° 2021-009 du 7 janvier 2021 portant avis sur un projet de décret relatif au traitement de données à caractère personnel dénommé « Fichier national automatisé des empreintes génétiques » et modifiant les dispositions du code de procédure pénale (demande d’avis n° 19017520)

CategoryDroit pénal